La gabon dans une nouvelle ère?

Le Gabon dans une nouvelle ère ?

Partagez

Ce lundi 4 septembre 2023, Brice Clotaire Oligui Nguema, Président du CTRI (Comité de Transition pour la Restauration des Institutions au Gabon), a prêté serment. Pour rappel, cette étape majeure intervient à la suite d’un processus électoral controversé, marqué par de nombreuses irrégularités, ayant conduit les Forces Armées Gabonaises (FAG) et la Garde Républicaine à mettre fin au régime d’Ali Bongo le 31 août dernier.

Dans le sillage de ces événements, les nouvelles autorités de transition ont procédé à plusieurs arrestations, parmi lesquelles celles de Nourredine Bongo, fils d’Ali Bongo, de Mohamed Ali Saliou, ancien directeur de cabinet adjoint du Président sortant, ainsi que de Ghislain Ian Ngoulou, directeur de cabinet d’Ali Bongo. Ce dernier a été pris en possession de fortes sommes d’argent liquide.

Le 4 septembre 2023, la prestation de serment de l’ancien chef de la garde républicaine marque la fin d’une ère, celle de la famille Bongo au pouvoir au Gabon. À noter que cette prestation s’est déroulée en l’absence de l’ancienne Présidente de La Cour Constitutionnelle, Marie Madeleine Mborantsuouo, en charge depuis 1991. Cependant, le reste du collège des juges est demeuré inchangé.

Le serment.

“Je jure devant Dieu et le peuple gabonais de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la charte de la transition et la loi. de remplir mes fonctions dans l’intégrité supérieure du peuple. De préserver les acquis de la démocratie, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je m’engage solennellement et sur l’honneur à tout mettre en oeuvre pour la réalisation de l’unité nationale. Je le jure”. Tels sont les termes du serment prononcé par le nouvel homme fort de Libreville.

Au-delà de la cérémonie de prestation de serment, le chef du CTRI a prononcé un discours éloquent, empreint de patriotisme et d’émotion. Brice Clotaire Oligui Nguema a tout d’abord expliqué les raisons ayant conduit au coup d’État, parmi lesquelles le refus de cautionner la forfaiture et la fraude électorale. Il a également souligné que l’armée avait eu le choix entre réprimer violemment les manifestations légitimes des Gabonais ou mettre fin à un processus électoral vicié, ne permettant pas l’expression d’une véritable démocratie.

Ensuite, il a rendu hommage à Dieu, au peuple, à la diaspora, ainsi qu’aux martyrs gabonais, ces infatigables combattants de la démocratie.

Cependant, un bémol demeure : la présence, lors de cette cérémonie de prestation de serment, des anciens membres du régime précédent, dont les anciens vice-premier ministre et vice-présidente d’Ali Bongo. Cette présence a suscité des interrogations parmi certains Gabonais.

Pourtant, le discours du nouveau dirigeant à l’égard de ces anciens dignitaires semblait plutôt être un rappel de leurs échecs et une mise en garde. Le fait que les anciens dignitaires siègent en première ligne signifie, pour le Président de la transition, bien au-delà des aspects protocolaires, qu’il n’est pas influençable et qu’il sera intransigeant.

Une critique envers la communauté internationale Le Président de la transition au Gabon a vivement critiqué l’attitude de certaines institutions de la communauté internationale. Il a déploré leur silence concernant les changements constitutionnels et les coups d’État électoraux, alors qu’elles expriment leur indignation face aux actions courageuses des militaires qui risquent leur vie pour protéger le peuple et rétablir les institutions (NDLR).

Des réformes innovantes.

Brice Clotaire Oligui Nguema a annoncé l’adoption d’une future constitution par le biais d’un référendum, ainsi que la réintroduction des bourses scolaires au secondaire, une révision des conditions d’attribution de la nationalité gabonaise et une réforme du foncier. Ces annonces offrent une lueur d’espoir dans un pays qui a connu 14 années de difficultés.

Quelles conséquences dans la sous-région d’Afrique Centrale ?

L’arrivée de ce militaire réputé pour sa rigueur à la tête d’un pays stratégique, réputé pour sa stabilité, provoque un véritable séisme et pose un casse-tête aux États voisins. Tout d’abord, il est remarquable que cette transition s’opère sans effusion de sang, dans un contexte où la population avait rejeté en bloc l’équipe précédente.

Ce processus de restauration de la dignité du peuple gabonais intervient à l’issue du mandat d’Ali Bongo, président sortant, et dans le sillage d’un processus électoral émaillé d’irrégularités. Ainsi, l’armée gabonaise a gagné automatiquement une légitimité, de même que le nouvel homme fort de Libreville, Oligui Nguema.

Cette situation tranche avec la plupart des coups d’État observés en Afrique subsaharienne, suscitant des inquiétudes parmi les dirigeants d’autres pays de la région, confrontés à des crises de légitimité.

De plus, la jeunesse du Président gabonais contraste avec les dirigeants sexagénaires de la sous-région (Faustin Archange Touadera de Centrafrique a 66 ans ; Carlos Vila Nova de Sao-Tomé-et-Principe a 64 ans). Les Présidents Sassou Nguesso, Teodoro Obiang Nguema et Paul Biya ont respectivement 79, 81 et 90 ans. Ils sont donc septuagénaires, octogénaires et nonagénaires.

Où se situe le problème ?

La sous-région d’Afrique Centrale est caractérisée par une population majoritairement jeune. Par exemple, au Cameroun, plus de 40% de la population a moins de 20 ans, avec un âge médian de 18 ans. Une réalité similaire se retrouve en Guinée-Équatoriale et au Congo-Brazzaville.

De surcroît, ces pays sont dirigés par des présidents soupçonnés de préparer leurs fils pour leur succéder. Le Cameroun évoque de plus en plus Franck Biya comme successeur de son père, la Guinée Équatoriale envisage Teodorin Obiang Nguema Mangue, et en République du Congo, des spéculations circulent quant à la succession de Chrystel Sassou Nguesso, le fils du Président Sassou Nguesso.

Cependant, c’est cette dynastie que l’armée gabonaise, composée en grande partie de jeunes officiers et de hauts gradés, a remis en question, mettant fin à la continuité des “Bongo”. De plus, elle promet des institutions solides, des mandats limités, la transparence et la lutte contre la corruption.

En conséquence, si ces réformes promises par Brice Oligui se concrétisent, cela pourrait remettre en cause la capacité des dirigeants voisins à répondre aux attentes de leur population.

Ainsi, l’arrivée de Brice Oligui, âgé de seulement 48 ans, au pouvoir au Gabon, suggère que les jeunes officiers des pays voisins pourraient également assumer leurs responsabilités pour raviver l’espoir. Cela se produirait dans un contexte où la confiance envers les institutions et les constitutions est grandement entamée.

En outre, le Gabon semble avoir donné un exemple de souveraineté populaire, avec une intervention militaire qui s’est déroulée sans soutien extérieur apparent. Cette situation crée un lien moral fort, essentiel à la prospérité et à la reconstruction.

Dans l’ensemble, ces éléments pourraient susciter un changement d’état d’esprit et d’ambitions au sein des pays voisins.

Quelques observations finales ?

Il est courant de voir les dirigeants promettre des changements majeurs lors de leur accession au pouvoir. Pour le nouveau locataire du palais en bord de mer, son défi consistera à démontrer aux Gabonais qu’il est l’homme de la situation. Il devra également s’efforcer de gagner la confiance de ses collègues militaires tout au long de la période de transition, afin de mener à bien les réformes prévues. Le maintien et le renforcement de la confiance accordée par le peuple gabonais seront tout aussi cruciaux.

Le chef de la transition au Gabon devra également tenir compte des menaces indirectes qui pèsent sur son pays. Il devra faire face au terrorisme, qui sévit dans certains pays de la CEMAC, comme le Tchad et le Cameroun, ainsi qu’à d’éventuelles tensions politiques à venir au Cameroun, en Guinée-Équatoriale et au Congo-Brazzaville.

Enfin, il devra mener avec succès la bataille juridique entre le Gabon et la Guinée-Équatoriale pour la souveraineté de l’île Mbanie. Il s’agit d’une île gabonaise riche en pétrole, mais revendiquée également par la Guinée-Équatoriale, en 1972 puis en 1990. Cette affaire est désormais entre les mains de la Cour Internationale de Justice.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Panier