Faut-il refuser le système Présidentiel au Gabon?

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Depuis le début du dialogue national, les Gabonais ont remarqué qu’une certaine élite gabonaise insistait sur la nécessité de passer d’un système semi-présidentiel à un système présidentiel, et ce, même avant d’avoir pris connaissance des contributions au dialogue national. Cette précipitation et cette opacité avec lesquelles ils ont promu ce régime comme modèle pour le Gabon de demain ne sont guère surprenantes puisqu’au final, c’est le régime qui semble avoir été retenu.

Pourtant, le système présidentiel est loin d’être le modèle par excellence. Tout d’abord, ce régime n’a pas reçu un soutien massif des Gabonais, encore moins un plébiscite contrairement à ce que prétendent certains médias ou ”intellectuels”. En effet, à peine environs 0,63% des contributeurs ( c’est-à-dire 241 sur 38000) au dialogue national ont opté pour et proposé le système présidentiel. Il n’est donc pas représentatif des contributions au dialogue, encore moins de la volonté du peuple gabonais. Il ne représente qu’une minorité et ne reflète en réalité que les souhaits d’une poignée de personnes.

Un système inadapté pour le Gabon?

Ensuite, il n’est pas adapté à notre réalité. Les États-Unis, qui l’ont adopté, l’ont fait principalement pour assurer et préserver le caractère fédéral du pays. Or, le Gabon n’est pas un État fédéral. De plus, aux États-Unis, le système présidentiel repose sur une séparation stricte des pouvoirs, notamment grâce au rôle et à la réputation de la Cour suprême dont le Président, appelé “Chief Justice”, est reconnu pour son intégrité et son indépendance par rapport au Président de la République. Aux Etats-Unis d’Amérique, le Président de la Cour, n’est pas un proche parent ou membre de la famille du Président de la République. Or, au Gabon, c’est tout le contraire depuis plus de 30 ans. Où est donc la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice ?

Il est également important de noter que, dans un tel système, l’exécutif n’est pas tenu de rendre compte au Parlement, ce qui donnerait au Président, dans le cas spécifique du Gabon, trop de pouvoirs et une indépendance totale vis-à-vis du Parlement. De plus, en Afrique, ce système (phagocyté) a tendance à favoriser le clientélisme et le népotisme, comme cela a été observé au Liberia.

Au Gabon, il est possible qu’il engendre des luttes de succession menaçant la stabilité du pays. Pis, dans un pays riche en ressources naturelles, le peuple risque de voir le Président être influencé, voire contrôlé, par des multinationales. Ces dernières pourraient dicter leur loi et leur volonté dans le pays. Il est donc fort probable que le manque de transparence dans les contrats et les appels d’offres soit au rendez-vous, au détriment de l’intérêt du peuple.

Sur un tout autre plan, ce régime peut entraîner la marginalisation de l’opposition politique, la restriction des libertés civiles et la répression des voix dissidentes.

Un manque d’honnêteté intellectuelle ?

Il semble que certains intellectuels gabonais veulent faire croire que ce n’est pas le régime qui pose problème, mais son application. Cette affirmation est loin d’être vraie. Tout le monde sait que le pouvoir du roi au Maroc ne saurait être transposé dans pays comme l’Allemagne, où la démocratie s’est bien enracinée. De même, l’histoire politique du Nigéria ne pourrait tolérer un système monarchique tel que celui pratiqué en Eswatini (monarchie absolue). En fait, chaque société politique a des structures qui nécessitent des régimes spécifiques.

En outre, certains intellectuels gabonais ne disent pas au peuple que le coup d’État de 1964 contre le Président Léon M’ba était dû, entre autres, à la trop grande concentration des pouvoirs entre ses mains, à une forme d’autoritarisme et à la marginalisation des forces vives de la nation. Certains témoins de l’histoire du Gabon, comme Jean-Marie Merillon, ancien ambassadeur de la France à l’OTAN, et Paul Cousserand, ancien ambassadeur de France au Gabon et membre du réseau Alibi, ont affirmé que le Président Léon M’ba était conscient que les Gabonais, en tant que peuple libre, ne toléraient pas son autoritarisme. Le Président Bongo lui-même l’a compris lorsqu’ils ont voulu maintenir le monopartisme, car il a finalement “abdiqué”. Par conséquent, adopter ce chemin, c’est courir le risque de voir apparaître des mécontentements et des tensions sociales et politiques tôt ou tard dans le pays.

Le non-dit et la manipulation sont-ils présents ?

Cette question est pertinente, car les partisans du système présidentiel au Gabon semblent confus ou manquer de maîtrise du sujet, ce qui frôle la manipulation. Dans un véritable système présidentiel, l’autorité du Président est concurrencée. Or, ce qui est proposé aux Gabonais, c’est un système présidentialiste sans Premier ministre, dans lequel le Vice-Président (s’il existe) sera relégué à un rôle secondaire. Il n’y aura pas d’unicité de légitimité, ni entre le Président et le Parlement, ni entre le Président et le pouvoir judiciaire. Le Président régnera seul au-dessus de tous les pouvoirs. D’ailleurs, le dialogue national en est l’illustration puisque la plupart des membres ont été nommés par le Chef de la Transition.

Quel régime pour le Gabon?

En résumé, ce régime que l’on veut imposer aux Gabonais, qui n’est même pas un régime présidentiel mais plutôt présidentialiste et absolutiste, ne se justifie pas au 21ème siècle. Les Gabonais doivent exiger autre chose que cette privation de libertés et ce déni démocratique.

Pourquoi les partisans de ce régime utilisent-ils l’expression “système présidentiel fort” ? Tout simplement parce qu’ils savent que cela n’a rien à voir avec le régime présidentiel classique ou strict. C’est une manière déguisée de promouvoir l’hyper présidentialisation ou un système de monarchie républicaine de type tropical qui va transformer le Chef de l’Etat en monarque.

En laissant l’exécutif entre les mains du Président de la République, ce dernier fera des ministres de simples exécutants et les parlementaires seront réduits à des observateurs lointains. En effet, le Parlement ne pourra pas remettre en cause la responsabilité politique du Président. Ce système prétendument présidentiel va inévitablement se transformer en système ultra présidentialiste.

Ce système va à l’encontre de l’organisation des peuples Bantou-Pygmée que nous sommes. Ce dont notre pays a besoin, c’est d’un régime consensuel, participatif et souverain, où la voix de chaque citoyen compte, où les forces patriotiques gouvernent ensemble et où chaque ethnie du Gabon, qu’elle soit majoritaire ou minoritaire, a toute sa place. Nous avons besoin d’un système qui incarne enfin la libération totale du peuple, comme il l’a exprimé le 30 août dernier.

Whylton Le Blond Ngouedi Marocko. Docteur en Droit Public Comparé et International ( Université Rome I, La Sapienza). Auteur de ” Le Gabon que nous voulons. En avant vers le socialisme Bantou-Pygmée.”

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