Gabon: faut-il prolonger la durée de la transition ?

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Il peut sembler surprenant de poser une question à laquelle la réponse a été donnée il y a plusieurs mois.

En effet, après la prise du pouvoir par l’armée le 30 aout 2023, le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) avait clairement affirmé que la transition au Gabon devait durer 2 ans, jusqu’en aout 2025, date prévue pour les futures élections générales.

Seulement, depuis quelques temps, certaines déclarations laissent penser à une sorte de rétropédalage.

C’est ce le cas de la déclaration prononcée par le porte-parole du dialogue national Monseigneur Asseko-Mve.  

Pour ce dernier, ‘’ si les gabonais décident d’accorder au chef de la transition un mandat présidentiel, ce ne sera que justice’’.

Une telle déclaration, interroge sur le positionnement et l’impartialité de certains acteurs présents au dialogue national. Pourquoi une telle déclaration de la part du porte-parole du dialogue, alors que, le Chef de la transition lui-même a promis de rendre le pouvoir aux civils en 2025 ?

Quoi qu’il en soit, cette affirmation a au moins le mérite de légitimer les doutes que des gabonais expriment sur la toile mais aussi au sein du dialogue national. Elle accorde du crédit à la thèse selon laquelle, il y a une tentative de passage en force pendant le dialogue national afin de prolonger la transition.

Un prolongement inopportun ?

Pourtant, prolonger la durée de la transition au Gabon ne s’explique pas dans la mesure où, le pays ne connait pas de situation de menace et d’urgence sécuritaire grave.

Et même si tel était le cas, cela ne se justifierait pas nécessairement puisque, la République Démocratique du Congo, pays peuplé de plus de 100 millions d’habitants et dont la population est depuis plusieurs années agressée à l’Est, parvient à organiser des élections.

Vous comprenez donc que ce n’est pas un pays aussi stable que le Gabon, avec un corps électoral de moins d’un million d’individus, soit inférieur à la population du quartier Kibera au Kenya, qui ne peut pas organiser des élections dans les délais requis.

La souveraineté du peuple est non négociable ! La décision de moins de 800 personnes, non élues et donc ne représentant pas la souveraineté ni une réelle représentativité, dans un dialogue non souverain, ne peut décider de l’avenir des millions de citoyens et du destin de toute une nation.

Par conséquent, prolonger la transition, ou tout simplement ne pas respecter les engagements pris au départ, pourrait s’assimiler à une sorte de confiscation de la liberté et de l’idéal national.

Quels risques ?

Le tissu social gabonais est actuellement très fragile. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les problèmes persistants au sein de la communauté musulmane concernant le leadership au Conseil Supérieur des Affaires Islamiques.

Mieux, le chômage (plus de 37% de la population) et l’insécurité sont toujours d’actualité au Gabon. Près de 40 000 Gabonais attendent encore à ce jour d’être appelés à la fonction publique après avoir déposé leurs dossiers.

Il est important de rappeler qu’avec le couvre-feu en place depuis déjà 7 mois (un record), de nombreux Gabonais qui vivent de petites activités économiques, y compris ceux du monde de la culture et du spectacle, se retrouvent livrés à eux-mêmes et n’ont pour la plupart pas d’alternatives.

De même pour la situation des Gabonais à l’étranger, notamment en ce qui concerne les bourses d’études qui tardent à arriver. Il y a quelques jours, pour illustrer, les étudiants gabonais en Tunisie ont investi les locaux de l’Ambassade du Gabon afin d’y élire domicile. Ils ont été expulsés manu militari par la police tunisienne, selon des témoignages de certains d’entre eux.

Ajouter à cela, la question irrésolue des victimes des crises électorales, prolonger la transition va rendre le climat politique au Gabon encore plus tendu.

Il y a aussi un véritable problème de responsabilité et d’orientation. Qui prend les décisions, au nom de quelle motivation et dans quel intérêt ?

Il ne faut surtout pas oublier que le contrat de confiance entre le peuple et son armée repose sur la promesse de restaurer les institutions et la dignité du peuple lors d’une transition courte, et surtout de remettre le pouvoir aux civils en août 2025.

Par conséquent, prolonger la transition en se basant sur les résolutions d’un dialogue qui, par sa forme, certains de ses acteurs et son contenu, a fortement polarisé l’opinion publique, pourrait poser problème à moyen terme.

Quelle aspiration pour le peuple gabonais ?

Beaucoup de Gabonais rêvent de voir le Gabon emprunter le chemin tracé par des pays comme le Mali en 1992. En effet, l’armée malienne, dirigée par le général Amadou Toumani Touré, avait renversé la dictature de Moussa Traoré en mars 1991, exaspérée par celle-ci. Quatorze mois plus tard, le 29 juillet 1992, l’armée malienne avait transféré le pouvoir aux civils à la suite d’une élection transparente qui avait vu la victoire d’Alpha Oumar Konaré.

Il est donc encore temps de prendre la bonne direction car il est judicieux que les gabonais soient gouvernés sur la base d’un programme électoral ou un programme de gouvernement clair et d’un contrat transparent avec ses dirigeants.

À qui profite un prolongement de la durée de la transition ?

Disons-le sans détours. Cela ne profite pas au peuple gabonais.

En effet, prolonger la durée de la transition revient à permettre à ceux qui ont ruiné la vie des Gabonais d’être libres et de ne pas rendre compte de leurs actes.

On peut craindre que des nominations copains coquins ne continuent au sein de l’administration.

Plus grave encore, étendre la durée de la transition sans un gouvernement patriotique, élu de manière juste et légitime, à la tête du pays, expose au risque de voir se poursuivre l’exploitation et la maltraitance des Gabonais dans la zone économique de Nkok, sur les sites pétroliers de Perenco et ailleurs.

Cela signifie également persévérer dans l’opacité et l’absence de transparence concernant les contrats miniers, notamment celui du fer de Belinga ou de Baniaka.

De plus, les multinationales avec des projets tels que les plantations industrielles d’eucalyptus dans le Haut-Ogooué continueront à exercer leur influence au Gabon au détriment des populations et de l’environnement.

Quelle est la volonté de la grande majorité des Gabonais ?

Ce que la plupart des Gabonais veulent, c’est choisir des dirigeants élus de manière juste, qui se préoccupent d’eux et travaillent pour une politique réellement axée sur les intérêts nationaux. Ils aspirent à ressentir, pour la première fois depuis la création de leur État, un véritable souffle de liberté, à respirer un air frais après plus de 60 ans de captivité et de déshumanisation. L’heure est enfin venue pour que la liberté véritable s’instaure au Gabon.

Un appel au ressaisissement.

Il est important que les participants au dialogue national et les acteurs de la transition sachent que, ce dont il est question aujourd’hui, est le destin du peuple et de la vie de la nation.

Plusieurs gabonais ont perdu la vie, des familles sont endeuillées ; d’autres citoyens portent sur eux les stigmates de la barbarie et de la brutalité politique.

De ce fait, les décisions qui en sortiront feront de nous, des responsables devant le peuple et devant l’histoire.

Surtout, qu’il n’est pas raisonnable qu’après plus de 30 ans de verrouillage électoral et souverain, l’on reporte de plusieurs années encore, l’heure de la liberté du peuple et que l’on confisque sa souveraineté.

Whylton Le Blond Ngouedi Marocko. Patriote gabonais. Docteur en Droit Public Comparé et International.

1 réflexion sur “   Gabon: faut-il prolonger la durée de la transition ?”

  1. C’est une bonne analyse ! Le peuple gabonais doit se sentir libre. Parce que nous remarquons que les mêmes décideurs qui ont dirigés, détournés, tués et autres du PDG, sont aux commandes. Prenons l’exemple des Gouverneur3, Préfets,… Nous voulons ou souhaitons des élections libres et que le vainqueur soit validé Président,…

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